Voici mon premier interview, receuilli par David Glaser et paru sur le web magazine Suississimo
J'y parle de mon parcours musical, de mon dernier single "She was an animal" et de ma vision du streaming de masse.
Bonne lecture!
-Whiteval
WHITEVAL sur SUISSISSIMO
Interview recueilli par David Glaser
Publié le 20 mars 2020
1.Peux-tu te présenter?
Je suis Whiteval, une chanteuse-guitariste de rock alternatif et auteure-compositeure de la région de Nyon. Je suis une indépendante du monde la musique et je publie mes chansons de manière autonome pour l’instant, sur mon site web et d’autres plateformes de ventes en ligne.
2. Quelle a été ta formation musicale? Pourquoi es-tu allée vers la musique?
Ma mère à l’époque avait dû déceler mon intérêt pour la musique, vu que je passais souvent du temps à pianoter sur un petit orgue-jouet. J’adorais ce truc! Elle m’a donc proposé de prendre des cours de musique de piano ou de guitare. J’ai choisi guitare, sans hésiter.
J’ai commencé les cours à l’âge de huit ans, tout d’abord de manière académique en passant par un conservatoire, puis avec deux professeurs de guitare électrique indépendants qui m’ont non seulement fait progresser en technique de guitare pure, mais m’ont aussi formée en théorie de la musique et encouragée dans mon talent d’auteure-compositeure. (Il faudrait dire autrice-compositrice mais je n’aime pas comme ça sonne, et les sons, ça compte pour moi.)
3. Quels ont été tes premiers groupes? Comment le public a-t-il reçu vos chansons, vos prestations en concert?
Mon premier groupe, je l’ai formé à 13 ans avec mes voisines et une copine, la batterie étant des boîtes de biscuit sur lesquelles on tapait comme des malades pendant des heures dans ma chambre, au détriment des nerfs de ma mère qui a certainement dû regretter à ce moment-là de m’avoir lancée sur cette voie.
Puis mon deuxième groupe et mon premier concert à 15 ans avec ma meilleure amie, au collège de Nyon.
Je me suis lancée dans la musique professionnellement après avoir passé ma maturité fédérale à 19 ans. J’ai aussitôt formé mon propre groupe, basé sur mes chansons. Mon style musical des débuts étaient plutôt excentrique et générait des réactions soit très positives, soit carrément négatives. J’ai enchaîné avec un groupe de rock progressif (là aussi avec ma meilleure amie chanteuse) qui a rencontré un joli succès d’estime à l’époque. Ça restait un style assez difficile d’accès, mais on étaient très bien reçus en live.
4. Aujourd'hui, tu fais tout toute seule, c'est plus pratique?
Après avoir beaucoup donné dans l’expérience de groupe, j’ai réalisé que ma voie était d’être une artiste solo (ce qui était mon intention au départ). Comme je suis multi-instrumentiste (chant-guitare-basse-batterie-piano) et que je me suis formée en autodidacte au technique du son afin de pouvoir faire mes propres enregistrements, je peux tout faire par moi-même. Il y a des avantages dans cette manière de procéder, notamment la flexibilité de faire ce que je veux, quand je veux, sans devoir dépendre de la disponibilité des autres, et financièrement je n’ai pas à payer de musiciens de studio. J’aime aussi réaliser mes propres arrangements, je les entends dans ma tête et ça va plus vite de les jouer moi-même, sur le moment, quand l’inspiration est là. En négatif, la charge de travail est lourde et on peut se sentir seul parfois. Il y a définitivement un grand plaisir dans le fait de collaborer, et j’ai de beaux souvenirs, mais l’univers m’a montré par l'expérience que ce n’était pas ma voie de réussir en groupe.
5. Réussir à vivre de sa musique est une bataille encore plus grande depuis l'arrivée du streaming, quels sont tes choix pour que cette économie soit durable?
J’ai encore de la difficulté à me situer par rapport à cette question, et je suis toujours en réflexion à ce sujet. Je reconnais avoir une réticence à balancer ma musique comme ça sans réfléchir sur les grandes plateformes de streaming de masse, à cause de la manière scandaleuse dont les artiste sont payés. Cette question est particulièrement pertinente en mars 2020, au moment où j’y réponds, avec les conséquences présentes et futures sur les musiciens dues à l’épidémie de Coronavirus COVID-19.
Le grand gagnant du streaming de masse est l’utilisateur, avant même les gros labels qui sont eux les deuxième grands bénéficiaires de ce système. Les grosses maisons de disque génèrent de gros volume de stream en investissant des budgets importants pour la promotion de leurs artistes, ce qui permet de compenser plus ou moins le revenu dérisoire d’un stream. De son côté l’utilisateur a accès à une bibliothèque de millions de chansons pour un prix négligeable. C’est une offre super alléchante et il est extrêmement pratique d’avoir accès à toute cette musique sur une seule application. En soi je trouverais l’idée géniale, sauf que les gens pour la plupart ne sont pas informés de la dynamique financière qui se trame derrière l’achat d’un abonnement. Ils ne réalisent pas les conséquences à mon avis dramatique pour la musique et ses créateurs, si on ne fonctionne plus que sur ce modèle-là. Il y a l’argument que les artistes doivent se servir de ces services pour se créer une audience qui viendra à leurs concerts. C’est sans compter qu’à mon avis proportionnellement peu de gens convertissent leur écoute en achat de ticket de concert, et que même dans le cas inverse, pour compenser les pertes de vente, le prix du billet augmentera de plus en plus et nous arriverons à une société où un concert de rock finira par être une activité de luxe, exclusivement pour les riches ou extrêmement aisés. Est-ce vraiment ça qu’on veut?
On ne fera pas augmenter le prix des abonnements, donc je pense que la solution c’est l’information. Beaucoup de gens qui utilisent les grandes plateformes de streaming adorent la musique et respectent les artistes, mais ne se rendent pas compte de la réalité économique qu’il y a derrière. Quand on aime sincèrement la musique, un abonnement ne suffit pas. Il faut trouver ses propres règles, par exemple si on écoute une chanson plus de cinq fois, aller l’acheter (sur le site de l’artiste de préférence), et avoir la conscience de convertir ses écoutes une fois par mois par exemple dans l’achat d’au moins un album ou d’un single, selon les budgets. Il y a d’excellents magasins en ligne comme Bandcamp, qui a ma préférence en dehors de mon site web, dont la commission de 15% sur les ventes est éthique envers les musiciens. On y trouve en plus plein d’artistes indépendants et originaux peur ceux qui aiment découvrir d’autres choses.
On doit pouvoir être capable de faire cohabiter équitablement les manières de jouir de la musique, l’ancienne où l’on payait, et la nouvelle où la plupart des gens, surtout les jeunes générations, sont éduqués à penser que la musique est quasiment gratuite. En tant qu’artiste, j’ai l’impression de devoir participer à un système cupide, qui dévalorise gravement notre métier et qui emmène la société, gentiment et de manière perfide, vers un appauvrissement culturel, vu que les jeunes artistes avec des idées innovantes et non-calibrées par le marketing de masse ont beaucoup de mal à survivre sans avoir le budget d’un gros label pour la promotion afin de générer un très gros volume de streaming et survivre.
Pour moi la solution vient de l’individu, au travers de l’évolution de la conscience de l’utilisateur, par l’information, la mise en lumière. Que les gens partagent leur consommation de musique entre streaming et achat. Que les parents et grands-parents expliquent à leurs jeunes la valeur de payer pour la musique, et pas seulement un abonnement, certes avantageux, mais injuste pour les créateurs.
En ce qui me concerne, Whiteval n’est pour l’instant pas disponible sur les grandes plateformes de streaming, mais je ne sais pas si je vais pouvoir continuer encore longtemps comme ça. J’essaie de trouver un juste milieu, et je cherche encore comment je vais m’y prendre. Je peux par contre concevoir de mettre occasionnellement sur les grandes plateformes de streaming une chanson dont le message aurait une portée spirituelle particulière afin de toucher le plus de gens possible, ce qui justifierait que je sacrifie mes revenus sur ce morceau. Mais ce serait ma décision, selon mes termes, ce qui fait toute la différence.
6. Peux-tu me parler de ton dernier single "She was an animal", que raconte ce morceau?
“She was an animal” parle d’une histoire vraie, celle d’une personne d’abord plutôt froid, mais qui se révèle brûler de passion intérieure, et se languit d’avoir un rapport intense avec une autre personne. Devant cette contradiction elle se rabat sur la télépathie et parvient à contacter psychiquement l’objet de son désir. C’est évidemment une chanson plutôt légère et qui ne se prend pas trop au sérieux, le tempo étant rapide et le refrain plutôt entraînant, mais elle soulève quand-même le questionnement de l’existence même de la télépathie, et également de l’effet du fantasme envers celui ou celle en direction duquel il est dirigé.
Je parle plus en détail de ce qui a inspiré les paroles de cette chanson sur mon blog whiteval.com/blog
J’en profite pour remercier la radio suisse Couleur 3 qui vient de passer récemment mon titre sur les ondes, ainsi que Radio Chablais qui le passe ces jours aussi.
7. Comment fais-tu pour démarcher les organisateurs de concert, les medias, là aussi tout toute seule?
J’ai besoin de déléguer cette partie du travail. Je produis mes propres enregistrements, mais je suis à la recherche d’un booking agent et d’un financement pour payer mes futurs musiciens de scène, ainsi que d’un PR pour les médias et réseaux sociaux. Tous conseils venant de gens compétents et bienveillants sont bienvenus.
Propos recueillis par David Glaser